Être décisionnaire en 2020


Et si on parlait de RELOCALISATION

Après la phase de l’industrialisation des pays que l’on qualifiait à l’époque « de développé », l’heure des délocalisations s’est propagée pour nombre d’entre eux. L’objectif était de bénéficier de coûts attractifs (main d’œuvre, mètre carré de terrains pour les usines…) tout en s’éloignant aussi des contraintes imposées par les régulateurs des pays développés (les pays dits « émergents » étant souvent moins contraignants).

Le bon sens des dirigeants d’avant

Certaines activités étaient contrôlées et gérées par les États, car jugées stratégiques. Cette pratique était bien antérieure à l’industrialisation, si l’on repense aux privilèges médiévaux dans l’Europe du moyen âge (exemple l’activité d’imprimeur). Sans remonter aussi loin, en France, le déploiement du réseau électrique, de l’eau courante, du gaz ou encore de la téléphonie et/ou des activités de radiodiffusion ou de télévision restaient en France l’apanage de l’État souverain. Sages décisions dans une Europe où les guerres ont démontré la fragilité et les limites d’alliances multi frontalières.

En quoi cela impacte un manager de 2020 ?

La relocalisation devient aujourd’hui le maître mot. Il faut que la France retrouve son autonomie et soit moins dépendante, tout du moins, à l’échelon de ses partenaires historiques européens. Nous vous proposons de commencer à réfléchir dès maintenant à l’étape d’après. Relocaliser cela ne veut pas forcément dire stopper d’importer ou de délocaliser. Cela veut dire repenser son réseau d’aménagement du territoire, des territoires (métrople+territoire ultramarin) et trouver de nouveaux paradigmes dans l’équilibre de la production agricole, industrielle et des services sur les territoires et hors de nos frontières. Globalisation et mondialisation c’est peut-être apporter et/ou partager des savoir-faire déjà maîtrisés, et stimuler à nouveau les innovateurs sur nos territoires.

Alors oui, il est regrettable que la crise sanitaire traversée par le monde en ce début d’année soit l’aiguillon qui va probablement donner l’envie de porter un nouveau regard sur la mondialisation économique. Mais pensons sur quoi reposent notre société, nos entreprises, nos économies. Certains se plaisent à dire que la mondialisation est seulement un phénomène culturel, que l’économie libérale nous conduit vers l’impasse.
Pouvons-nous seulement dire aujourd’hui où sont les aspirations sociales des générations X, Y, Z ? Si une crise sanitaire qui semblait toucher la « génération des anciens » n’est pas prise au sérieux par la « génération Y » qui se pense alors invulnérable avant de constater qu’écouter les anciens principes, cela peut avoir du bon, et qu’être des digital-native leur confère un atout dans un contexte de confinement qu’ils auraient dû mieux savoir partager avant.

Les heures de gloire de la libéralisation des échanges de marchandise

Après la Seconde Guerre mondiale, les alliés, sur le plan militaire, ont démontré que d’autres types d’échanges pouvaient être bénéfiques pour chacun. Dans le cadre du GATT puis de l’OMC, c’est surtout grâce aux technologies que les systèmes financiers et bancaires se sont libérés dans les échanges financiers (l’informatique et la micro-informatique des années 80 et 90). Le partage et la diffusion des connaissances en matière de marketing, de sociologies, ont impacté les actions commerciales et les actions industrielles qui ont fait la part belle aux stratégies de segmentation internationale des activités de production. Cette vision laissant croire aussi que la créativité serait l’ultime développement de l’homoéconomicus dans une société des services et de loisirs.

L’évolution des moyens de transport (humains et fret) démultiplie les échanges de biens. Une meilleure formation des acteurs financiers et des citoyens stimule les échanges monétaires, avec une certaine liberté du paiement international par tous (de l’artisan au groupe côté en bourse).

Les citoyens du monde voyagent, car ils en ont la possibilité. Prendre l’avion, payer dans une autre devise est simple. Pour autant tous les citoyens du monde ne sont pas encore au même niveau. Les économies fortes historiquement le sont de moins en moins car la force aujourd’hui n’est plus dans le savoir, mais dans le nombre, le volume d’une population. Un citoyen, c’est autant un potentiel de pouvoir d’achat qu’un potentiel de contribution aux taxes finançant la collectivité. Alors la guerre économique fait rage et les alliances interpays ou interentreprises.

De la fragilité humaine à la fragilité des sociétés

Vous l’aurez probablement compris, ici il faut prendre le mot « société » autant dans sa désignation d’une population d’un État que dans sa désignation d’une organisation économique produisant de la valeur ajoutée.

Un virus apporte la preuve de la fragilité des dispositifs ayant une vision à court terme dans la mondialisation. Que ce soit sur les marchés financiers ou dans les biens de consommation courante, la recherche du profit immédiat, conduit à un affaiblissement des démarches de planification économique et de politique industrielle. En se privant d’une anticipation et de scénario à long terme les sociétés vivent périodiquement des phases de crises : crises financières et boursières, crises énergétiques, crises agricoles, crises sanitaires et crise médicale…

Un virus apporte aussi la preuve de celle de nombreux gâchis décisionnaires
Pour un pays, une entreprise, un groupe international, le système décisionnaire doit revoir son organisation en temps de crise. Les professionnels de la communication l’on formalisé depuis plusieurs dizaines d’années. Il y a différents niveaux de crise, avec différents niveaux de répercussions. Il faut anticiper et déjà prévoir des messages types. En revanche, les gestionnaires et managers ont souvent pris cela comme un art inutile avec des olibrius criants au loup pour essayer de vendre des pièges anti-loup. Pire, parmi leurs complices il y a les assureurs et les gestionnaires de risques qui sont des donneurs d’alertes jouant sur nos peurs. Le fait qu’un secteur industriel ou de service soit, par décision gouvernementale à l’arrêt total le temps de trouver des solutions ne faisait probablement pas partie des scénarios de crises anticipées. Effectivement, les hyperspécialites des statistiques des risques vous le diront. On a besoin d’indicateurs pour calculer la probabilité du risque. Pas de chiffre, pas de risque… à moins que finalement la décision soit prise et nous dépasse. Alors tout bon manager, décisionnaire vous le dira, il est là pour arbitrer mais aussi stimuler de nouvelles voies d’organisation. Gouverner c’est prévoir. Agir de façon stratégique c’est avoir une vision de la situation pour prendre la moins mauvaise décision.

Doit-on remettre en cause nos choix du passé

Ce serait perdre un temps inutilement. Les managers de 2020 doivent ajouter à leurs tableaux stratégiques de nouvelles données, avec de nouvelles variables et de nouveaux points de rupture. Ils doivent continuer à prendre des décisions qui auront un impact sur celles du passé, mais surtout ils doivent prendre des décisions pour construire un futur à plus long terme. Oui, même si l’on a besoin de retours sur investissement rapides, il faut penser à construire une puissance. On rebondira ici sur la notion mathématique de la puissance. Si les militaires ont toujours recherché à être carrés, il faut que pour le prochain millénaire les grands décisionnaires et les managers de tous niveaux sachent manier les puissances de 10 pour voir plus loin, à l’échelle de plusieurs générations

Les partenariats de la France dans l’avenir

Oui, avoir plus d’industrie en Europe, c’est avoir moins de contraintes de transport. Relocaliser le tissu industriel avec des unités de moindres envergures et des centres ressources délocalisés pour le quantitatif c’est une première phase de rééquilibrage.

Oui, maintenir les partenariats avec l’Inde par exemple sur le plan de la pharmacie est certainement un excellent choix. Il faut juste continuer à disposer d’une capacité de production pour le « stock tampon » sur notre territoire afin de mixer la gestion en flux tendu et les approvisionnements nécessitant un transport fluvial long. Les prix tiendront compte d’une partie maintenant le caractère stratégique local et réduisant dans le volume annuel global. Cette mixité est simplement une anticipation des économies émergentes dont les populations vont progressivement rejoindre les niveaux de vies des anciennes puissances et qui seront dépassées car elles n’auront pas assez de citoyens en capacité d’être un levier pour l’économie de marchandises mais aussi sur les marchés financiers.

Une conclusion en 3 phrases ?

L’intérêt général d’un pays passe par la compréhension de l’intérêt général de la planète. Il faut rester humble et respecter le rythme de croissance ou d’évolution de chaque pays. L’intérêt de l’humain se trouve dans l’équilibre entre son rôle dans les sociétés et ses désirs personnels, sans oublier qu’un jour, il peut déraper et un autre, construire d’excellentes œuvres.